Randonnée de la Pierre sèche


Les Préparatifs de la Randonnée


Rando'rima - Randonnée de la pierre sèche

(par Jean-Paul)

Profitant de sa charmante retraite dans sa félicité parfaite (1), Jean-Paul avait reconnu l’itinéraire. Convaincu de la longueur du parcours, il avait remis aux calendes grecques la visite de la fontaine du Vaucluse et déplacé le point de départ au delà du vallon de la fontaine de l’Oule … Et vous fontaines et ruisseaux gardez vous de mêler à nos champs de passage le bruit importun de vos eaux (2).
C’était une sèche mais sage décision.
En ce dimanche de novembre, à la dixième heure nous sommes une vingtaine de Chantelurins au point de départ de la balade, toutes manips de voiture terminées ...

Dans la continuité de notre dernière randonnée à Saint Rémi, nous empruntons le même GR6 en direction de l’Orient ; petite montée progressive à travers cèdre et buis. Francis, notre botaniste préféré de nous expliquer que cette dernière plante taillable corvéable et sculptable à merci et aussi très fragile car elle peut être desséchée et anéantie très rapidement. Quant aux cèdres majestueux, ils donnent au paysage cette touche bleutée qui vous apporte la sérénité de l’Outremer : Forêt paisible, jamais un vain désir ne trouble ici nos cœurs (3) …

Il s’agirait du cèdre de l'Atlas qui a été très employé au XIXe siècle pour reboiser les pentes dénudées du mont Ventoux, du petit Luberon et du sud Vaucluse, constituant la plus grande forêt de cèdres d'Europe occidentale suite à un pari entre deux ingénieurs forestiers en 1863.

Nous arrivons au sommet de la bute


pour découvrir le fameux mur de la peste qui témoigne d’une mise en œuvre bâclée de par ses pans entiers ruinés ou écroulés. En effet en mars 1721, pour limiter la propagation de la maladie que les restrictions de circulation ne parviennent pas à contenir, le royaume de France, les territoires pontificaux d’Avignon et du Comtat Venaissin décident de se protéger par une ligne sanitaire matérialisée par un mur de pierres sèches entre la Durance et le Mont Ventoux, et gardé jour et nuit par les troupes françaises et papales empêchant tout passage. Les habitants furent ainsi réquisitionnés pour son édification en moins de trois semaines
Mais le mur plait encore aux chasseurs car il aide aux battues de sanglier canalisant la bête vers des passages connus par les deux protagonistes. C’est justement par un de ces passages que nous continuons notre périple sous l’œil menaçant d’un tireur posté gardien de cette porte d’enfer. C’est à croire qu’il réincarne les soldats de louis XVI qui surveillaient au même endroit le mur d’enceinte … Et oui pauvres pestiférés, pour franchir ces barricades ou ces tranchées il fallait autre chose que des passe montagne (4).

La progression au nord de Cabrières se fait hésitante à travers un dédale de petits chemins qui s’offrent à tous les carrefours. Heureusement Serge qui a pris la précaution de numériser la partition de randonnée en format MP3 (ou plutôt GPS sur son iPhone) permet de rectifier quelques erreurs d’orientation imputables au ténor de la rando … Passage devant une propriété très originale parsemée de sculptures en mortier criblé de mosaïques de brique.

Jean-Pierre et Marie Agnès se reconnaissent dans ce charmant mélange de liant et de brique donnant vie à des créatures magiques et surprenantes dans nos contrées : Nous sommes les faunes des bois, oui c’est nous les icones de ces doux lieux mythiques (5) … C’est un peu comme si Tolkien ou bien le "Facteur cheval" était passé par là.
A l’inverse les chemins que nous suivons sont très bien canalisés par de beaux murs de pierre montés en boutisse ou en panneresse et coiffés élégamment de dalles dressées, peignées en brosse. Michel nous explique que les pignons de tels murs cachent souvent un "mulot" pierre noble qui consolide les fins de mur.

Puis nous atteignons le fond du vallon de la Sénancole, petit ruisseau monacal en hibernation, qui nous prête son lit pour s’enfoncer hors du chemin vers ses trésors cachés. Car soudain nous découvrons à même la falaise toute une habitation troglodyte culminant 20 mètres plus haut.

Par un sentier improbable nous arrivons sur un chemin en balcon qui nous permet de traverser ces habitations privées mais ouvertes au promeneur … Dès le paléolithique les hommes ont été attirés par les surplombs rocheux, nombreux dans les falaises calcaires. Ces excavations, creusées par l’érosion, offrent des abris naturels. Quelques aménagements permettent d’y vivre confortablement. Contrairement aux grottes qui présentent un taux d’humidité important et une température fraiche, les abris sous roche sont secs et la paroi rocheuse réchauffée par le soleil restitue cette chaleur durant la nuit. Des murs en pierre sèche ferment la partie externe de l’abri pour créer des maisons troglodytes.



La redescente s’effectue par un cheminement en pente

et Jean-Paul préfère sortir la corde pour sécuriser quelque passage glissant.

Retour sur le chemin ou Bernard a préféré nous attendre s’inquiétant des signes récalcitrants de l’arthrose renaissante : Après de mortelles alarmes qu’un heureux calme me semble doux (6).
Le groupe repart pour un dernier raidillon matinal sur un chemin dallé vers le village des Bories. Sur les hauteurs un petit vent charmeur berce nos oreilles donnant l’illusion de couvrir des bruits de ruisseau : Zéphyr calmez nos attentes ramenez un doux repos de votre aile caressante calmez le courroux des flots (7).

ou plutôt le courroux de nos panses car il se fait faim et le fantôme de chante bouffe se profile.

Une futaie de chênes verts et d’oliviers plus quelques murailles de pierre feront l’affaire : apportons les pâtés et les vins délectables, buvons à la victoire de cette demi journée, mettons nous vite à table, faisons bonne ripaille puis roulons dans la paille (8) … ou plutôt sur la mousse pour une sieste salvatrice pendant que les plus courageux vont visiter le village des bories.


L'origine des Bories, à Gordes remonterait aux Ligures qui peuplaient la région plusieurs siècles avant notre ère. Les bories, que l'on appelle aussi familièrement dans le pays cabanes gauloises, sont bâties en pierres sèches, c'est à dire sans mortier, selon le principe de la fausse voûte en encorbellement. D’autres hypothèses les font remonter aux Vaudois déplacés en Provence au XVIème ou tout simplement au XIXème comme cabanes de berger.

Puis nous repartons pour la dernière étape et redescendons le vallon très encaissé de la Sénancole. Ce ruisseau capricieux cache de loin en loin ses réserves d’eaux. Dans la végétation luxuriante qui encombre ce fond de vallon c’est son fil de pierre qui guide nos pas : charmante fontaine que votre sort est doux, notre troupe sereine se confie à vous ; D’un tel avantage l’Hydaspe et le Tage doivent être jaloux (9) ; progression délicate à travers genets et ronces, le long de pierriers douteux ou sur les berges boueuses du petit cours d’eau.
Bientôt un passage s’avère très délicat à franchir, car les trois mètres de grimpette prévue sur ce ressaut sont trop glissant ; Michel, Jean-Paul et Jean-Pierre installent la corde en main courante et permettent au groupe de franchir l’obstacle par un passage supérieur en balcon. L’installation de secours est efficace pour presque tout le monde mais une erreur d’inattention sera fatale à Josiane ; Comme la corde s’est subitement détendue, elle fait une chute sévère grâce à Dieu sans gravité. Dieu puissant sois nous favorable, tu vois par quel secours nos maux peuvent finir (10) …

Nous sortons enfin du vallon et découvrons la majestueuse abbaye de Sénanque par sa façade sud.

L’heure tardive (la dix-septième) nous prive de la visite du site mais nous pouvons quand même pénétrer dans l’église.
Au delà de l’élégance austère du lieu c’est surtout l’acoustique improbable qui nous fascine et bientôt sous l’impulsion d’Henri et Marie-Hélène résonne un Miserere de circonstances.
Même si nous n’avons pas profité du printemps (11), cette sonate d’automne sur les terres cisterciennes nous a donné à goûter ce jour fortuné (12).
Puis quand les chauffeurs sont partis chercher leur monture … le soleil, qui une fois encore répand dans nos climats sa plus éclatante lumière (13), a quitté délicatement ce lieu de prière … qu’il est doux de suivre ses pas. Peut-on le connaitre et ne l’aimer pas ? (14).
Et la nuit est tombée dans une belle apnée de fin de journée, suspendant nos plaintes et nos courbatures et nous offrant les charmes du repos (15).


Les photos d'Henri :


Citations de l’Oper’ima

  1. Voici la charmante retraite
  2. Chœur des bergers
  3. Forets paisibles
  4. Chœur des archers
  5. Chœur des satyres
  6. Chœur du peuple des bois
  7. Zéphyrs, comblez notre attente
  8. Chœur du banquet
  9. Chœur des nymphes
  10. Chœur de l’oracle
  11. Profitez du printemps
  12. Goûtez et donnez des jours fortunés
  13. Brillant soleil
  14. Armide
  15. Chœur du sommeil

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Participants : Josiane et Jean-Paul, Marie Carmen et Bernard, Nadine et Francis, Micky et Serge, Francine et Henri, Chantal et Michel, Marie-Agnès et Jean-Pierre, ... et Claude, Marylène, Mireille, Cédric, Nicole et Cléver.

Réalisateur vidéo : Serge

Chroniqueur : Jean-Paul.

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