Un dimanche de chien ...



Un dimanche de chien ...

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Le temps était couvert et sombre, un vrai temps pour moi ; ma sortie du matin à piétiner dans les plate bandes de Saint Mitre avait été annulée, c’était de bonne augure. Et nous voici à la gare de Lavera et non pas d’Istres, une idée de ma maîtresse. Ca commence mal, mon billet a été subtilisé par une chti un peu distraite pourtant sans son petit quinquin.

Quelques minutes dans le train bleu, à ne pas voir le paysage : c’est fou ce que les designers de train oublient de penser à la gente canine.
Terminus à "La redonne" : moi ça me fait penser à la pâtée de ma maitresse qui ne me la donne qu’une fois et ne me "la redonne" que les journées de fête. Ce n’est pas le cas aujourd’hui … un temps de chien vous dis-je.

Pour accélérer les débats, j’embarque en souquant sur la laisse le père Daniel  qui a proposé ses services à Nicole. On traverse le port très vite juste le temps de tracer mon passage sur quelques poteaux  et voici les premiers lacets du fameux chemin des douaniers. Je vous rassure tout de suite je n’en ai pas vu un seul, tout juste l’ombre d’un chat que j’aurai bien chahuté, si ma maitresse n’avait pas tant de scrupules. Collines accentuées, descentes escarpées, la bonne ballade quoi ! Et dire que certains critiquent  Jean-Paul.  Faut dire qu’André le vétéran du site, connait par cœur ces recoins et compense ses difficultés articulaires par une connaissance inoxydable des lieux. Maïté, la gardienne des partitions et Marie- Agnès, les deux bienveillantes, veillent à ses côtés. Just’ après la belle crique de Figuière nous sommes surpris par un escalier de plusieurs octaves, raide et bizarre, aux marches inclinées et avec au milieu une drôle de rigole.

Le président s’y couche à l’envers et éclate de rire. Quelque mètres plus loin c’est le chef de chœur qui s’affale de tout son cœur, le couvre chef sur la tête. Je ne les trouve pas vaillants les chante-marche. Et ça parle et ça traine, Nadine raconte sa généalogie aux saveurs italiennes. Et la mienne ce n’est pas n’importe quoi non plus : un grand père allemand un peu braqué de caractère et une grand-mère canadienne plus vagabonde au bord du Labrador. Lors d’un nième arrêt,  les voila qui s’essayent à chanter … un Tourdion bien timide, pleins de canards qui écorchent mes oreilles délicates. Bientôt quelques gouttes de pluie troublent mon poil.  Chante Lyre a quelques ratés. Arrivée à Méjean.  Enfin le vrai chemin qui grimpe dans une belle pinède et l’on s’arrête déjà pour déjeuner - rectifions pour qu’ils déjeunent. Chante bouffe est cette fois-ci à la hauteur … et ça circule les bonnes bouteilles les petits plats et cerise sur le gâteau des pâtes de coing à vous scier les vôtres (pas les miennes). D’ailleurs je fais la gueule mais ma maîtresse s’en fout, elle me tourne le dos. Tout ce petit monde se remet en branle (ce n’est une dance) vers un après-midi plus clément le long d’un sentier beaucoup trop facile pour moi. Pour me distraire, je tente quelques escapades rapides vers la Grande Bleue mais ma maîtresse me rappelle systématiquement  à l’ordre ; finalement Rantanplan n’était pas si bête que ça …  
Je change de stratégie et prend le groupe en main, ou plutôt en patte, et joue les éclaireurs. Plusieurs fois je leur fais comprendre qu’ils font fausse route et les ramène sur le bon chemin. Pas un pour remarquer ma pertinence … un vrai chien d’aveugle notamment dans le tunnel ! Je vous rappelle quand même mon nom : Clever s’il vous plait. 

Dans le canyon qui suit c’est au tour d’Henri le doyen de se rétamer.  Beaucoup de sang et d’émotions humaines : son épouse en grande infirmière  a de la ressource et du matériel. A mon avis le scénario était prévu. 

Après toute cette perte de temps je tire un peu tout le monde et le groupe éclate. Devant, les plus valeureux : Serge kin’hésite sur aucun rocher, Nadine qui a bien "le pied monté", Maguy qui saute sur les cailloux comme ses doigts sur les cordes, Josiane inattendue qui a laissé le gentil organisateur avec Jean-Pierre. Derrière, je ne sais plus ; d’ailleurs Maguy, en grande reporter photographique, ne couvre plus l’évènement. C’est Chante Lyre à deux vitesses. Sans doute Sylvie, la bonne pâte qui parle plus qu’elle ne marche et qui me fait concurrence tant son museau est délicat, se choute aux flagrances de Provence. 

Finalement on se retrouve tous au bistrot de Niolon, les uns à leur troisième bière les autres sans le temps d’en boire une et moi toujours frustré. Des bars pour les clébards, il n’y en a nulle part. Quelle vie de chien. Remontée à la gare dans la nuit. Sur le quai que remplit Chante Lyre, la fraîcheur de la nuit dope la langueur de nos muscles  et moi je pense déjà à la pâtée du soir qui comme je vous l’ai dit est la seule de la journée … d’ailleurs si vous pouvez intervenir auprès de ma maîtresse …

CLEVER le labrador braqué

 

Auteur : Jean-Paul