Le Moulin



Le Moulin

Dans la clarté douteuse où s’ébauche sa forme,
Debout sur le coteau comme un monstre vivant
Dont la lune sur l’herbe étale l’ombre énorme,
Un immense moulin croise ses bras aux vents.

Ni le marin, ni le grec, ou même le levant,
ni mistral, aquilon, tramontane ou ponant,
vents de bas ou de bise soufflant de tous coté
ne peuvent plus peuchère avec lui discuter.

La chambre de la meule est vide depuis longtemps
Et de là-haut on voit au-delà de l’étang
un village perché du nom de Cornillon.
Etrange évocation du moins nous le croyons
d’un meunier de légende et de son grand secret
que les gens de Fontvieille ont un jour défloré.

Pénétrant le moulin et perçant le mystère
ni sac ni grain de blé, sur place ils ne trouvèrent.
On ne sentait pas même cet enivrant arôme
de froment écrasé qui tout autour embaume.
La pièce du bas avait ce même air de misère,

terre blanche et gravats, sacs crevés et guenilles.
C’était là le secret du pauvre maitre Cornille

Promenant ce plâtras tout seul en sa brouette
Il allait par les routes un peu à la sauvette
Pour sauver du moulin l’honneur et la fierté
faisant croire qu’il était fontaine de farine.

Tout beau, et tout nouveau ! Les gens prenaient routine
D’envoyer tous leurs blés aux riches minotiers,
et les pauvres moulins demeuraient sans ouvrage
Vapeur contre le vent, tel était l’avantage.

Le combat était vain même pour un Don quichotte
Et sans minauderie Cornille ferma sa porte
A Saint Mitre de même le moulin s’endormit
Plus de farine blanche pour la boulangerie
Et le petit mitron changea de crèmerie